Enfant caché en Corrèze, survivant de l’Holocauste, à 93 ans, il est doyen de la Foire du livre de Brive
Enfant, pendant la Seconde Guerre mondiale, Joseph Farnel a été caché à Yssandon, en Corrèze. Devenu styliste et écrivain, il reste l’un des derniers témoins de cette époque terrible.
« Quand mon père est arrivé en France de Pologne, il a embrassé la terre. À l’époque, on disait : “Heureux comme un juif en France”. » Ça n’a pas duré.
Caché à Yssandon pendant la Deuxième Guerre mondiale, inscrit à l’école du village sous une fausse identité, Joseph Farnel avait gagné à l’époque un concours de dessin… pour sa représentation du Maréchal Pétain.
« J’ai même été un enfant de chœur, parce que le curé voulait me protéger,» raconte-t-il.
Un témoin précieux
Ancien styliste devenu écrivain, il est le doyen de la Foire du livre. À 93 ans, Joseph Farnel s’en souvient, comme si c’était hier. « À Yssandon, j’ai rencontré des Corréziens qui m’ont sauvé la vie. J’ai eu la chance de ne pas porter l’étoile jaune. Ma famille a quitté Paris pour la Corrèze avant. Mon père travaillait même à la Manufacture de Tulle. Le 9 juin 1944, quand la division Das Reich a pendu des gens, il était absent. »
Parti de rien, il a créé une entreprise florissante
Son père a été tailleur de métier. Joseph Farnel est devenu styliste.
Comment la mode est entrée dans sa vie ? « J’étais un garçon très coquet. J’ai commencé à dessiner les modèles pour moi et à les fabriquer. Un jour, je me suis dit : “je vais monter ma boîte.” Je n’avais pas un rond. J’avais une boîte à savon qui me servait de bureau, mais, elle était recouverte d’un beau tissu. Je me suis battu, j’ai beaucoup travaillé, j’ai voyagé dans toute la France pour trouver des clients pour ma boutique située au Carreau du temple. J’ai ensuite lancé des marques pour femme, homme, enfant. »
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Il a habillé Johnny, Jacqueline Kennedy et Sophia Loren
Le créateur ne s’est pas arrêté là. « J’ai même habillé Johnny, Mme Kennedy ou Sophia Loren. À la fin, j’avais plus de cent machines, des bureaux partout, c’était une grosse boîte. »
Joseph Farnel a raconté ses souvenirs de guerre dans La Ballade du petit Joseph.
Souriant, chaleureux, Joseph Farnel a conservé la malice de son regard d’enfant. « Je ne suis pas un homme d’affaires, plutôt artiste. J’avais de l’argent, mais, il ne m’intéressait pas. Ce qui était bien plus important, c’était la famille ou l’amitié. J’ai distribué beaucoup d’argent autour de moi, à mes enfants et à des œuvres. »
Il aime les gens, tous les gens
Enfant, il était un boulimique de lecture. « Pendant la guerre, j’étais caché dans un ancien manoir. Il y avait une pièce condamnée dans laquelle j’ai découvert une très belle bibliothèque. »
Joseph Farnel aime les gens. Tous les gens.
Photo : Fabrice Combe
Les musulmans, les juifs ou les chrétiens, on est tous pareils. Quand on saigne, c’est le même sang, quand on pleure, ce sont les mêmes larmes. Je suis athée, mais je crois en l’Homme.
Joseph Farnel
À dix centimètres du sol
Il a rédigé son premier « livre » à l’âge de 12 ans. « C’était un roman policier de quatre pages (rires). » Depuis, Joseph Farnel a écrit une quarantaine de livres. Parmi eux, celui qui retrace ses souvenirs de guerre, La Ballade du petit Joseph. « Quand je commence à écrire, je ne suis plus sur terre, mais, à dix centimètres du sol. » Écrire, c’est aussi parler à l’enfant qu’on était. Cet enfant caché en Corrèze.
Dragan Perovic
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