Préjugé ! « Les artistes, tous des parasites »
« Les artistes se gavent de subventions publiques », « Les intermittents du spectacle se goinfrent sans avoir besoin de travailler ». Le préjugé qui concerne les artistes « profiteurs » nous conduit jusqu’à l’Antiquité. Au 2e siècle de notre ère, Lucien de Samosate écrit, avec ironie, que le métier de parasite est un art. Parasite devient une sorte de profession.
Artiste recherche mécène
L’artiste se met au service des puissants, pour lesquels entretenir des artistes, des « parasites », est un signe d’opulence, une marque de distinction sociale. Nous retrouvons le même phénomène au Moyen Âge, avec les trouvères et les troubadours, au service du seigneur.
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« Pourtant, ces pratiques d’hospitalité médiévales deviennent sujet de moquerie à partir de la Renaissance, à mesure que le milieu artistique se professionnalise et que se développe une culture du profit », analyse l’historien Martial Poirson. Nourri par le puissant qui est son protecteur, l’artiste est moqué, car il est prêt à vendre son talent pour assurer sa pitance et toujours avec flagornerie. D’ailleurs, l’artiste et l’artisan se confondent encore à cette époque et, au moins jusqu’à la Révolution française, c’est toujours en se plaçant sous la protection d’un aristocrate ou d’un riche bourgeois qu’un artiste peut espérer vivre de son art, le plus souvent par une rente. Il bénéficie de commandes et d’une réputation, à l’aune de l’influence de son protecteur, l’idéal étant que ce soit le roi. C’est le cas pour Molière, Racine, Corneille, face à Louis XIV.
Le Cours de l’histoire
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L’artiste et la marginalité choisie
Comment pourrait-il en être autrement dans un monde où la notion de droit d’auteur n’existe pas encore ? Pour cela, il faut attendre le 18e siècle, avec la figure de Beaumarchais dans le cas français. Avec le droit d’auteur, l’artiste peut espérer vivre de son art, d’autant que les bouleversements sociaux lui ouvrent une nouvelle clientèle : la bourgeoisie. C’est une étape importante dans le long processus qui conduit alors à la différenciation entre l’artiste et l’artisan. L’un reproduit, avec grand talent, ce qui existe déjà. L’autre crée grâce à son invention et selon son talent.
« L’artiste au 19e siècle adopte une posture nouvelle : plutôt que de perpétuer la stigmatisation héritée des siècles passés, il préfère opter pour une marginalité choisie. Malgré l’absence de naissance, de fortune et de pouvoir, il revendique l’appartenance à une élite autoproclamée, une sorte de noblesse culturelle. Quitte à considérer l’insuccès comme un gage d’excellence », explique Martial Poirson. C’est la vie de bohème, où l’artiste sacrifie tout pour sa création : l’art pour l’art, quitte à tirer le diable par la queue ! Cette posture est dénoncée quand l’artiste est issu de la bourgeoisie et profite du soutien familial. Un parasite, encore !
Au 19e siècle, l’artiste, non-conformiste, dénonce la morale des dominants. Dans les années 1830, Théophile Gautier déclare que « tout ce qui est utile est laid » et Alfred de Musset affirme que « les grands artistes n’ont pas de patrie ». Un artiste qui refuse de se plier au goût du public, en soi, n’est pas victime de préjugés. Soit il rencontre le succès, alors il devient un génie. Soit il rencontre le succès, mais de manière posthume, et au-delà du génie, il devient un prophète (aussi pour ses ayants-droits). Soit, encore, son œuvre n’intéresse personne et il meurt, dans sa soupente, transis de froid et affamé, dans l’indifférence. Mais s’il est soutenu par des subventions publiques, c’est alors que ressurgit le préjugé de l’artiste-parasite. Fini le génie ou le prophète, voici la sangsue et le pique-assiette ! Il tire profit du système, disent les grincheux, c’est mieux que de tirer le diable par la queue !
Histoire des préjugés
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Pour aller plus loin : Histoire des préjugés, sous la direction de Jeanne Guérout et Xavier Mauduit, Les Arènes, 2023
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