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Comment je suis devenu·e artiste

Dans le podcast “L’Amour de l’art”, des artistes de la galerie Perrotin éclairent leurs parcours marqués par une rencontre fondatrice avec une œuvre. De Claire Tabouret à Xavier Veilhan, de Johan Creten à Laurent Grasso, de Mathilde Denize à Elmgreen & Dragset, des voix contemporaines témoignent de la circulation des idées dans le paysage de l’art. 

L’exercice d’admiration ne reste-t-il pas la meilleure voie d’accès à soi-même lorsqu’on est un·e artiste ? Comme si parler d’un·e autre, qui aurait la vertu de vous avoir fasciné·e à un moment-clé de l’existence, permettait de mieux se connaître. En écoutant les quelque quinze épisodes du podcast original de la galerie Perrotin, L’Amour de l’art, centré sur la parole d’artistes interrogé·es en dix minutes sur les œuvres qui ont contaminé leur imaginaire au point de devenir ce qu’ils et elles sont, cette hypothèse prend la valeur d’une évidence. Par un détour vers l’extérieur, un·e artiste éclaire ce qui se trame à l’intérieur de son propre esprit créatif. 

Le titre du podcast renvoie explicitement à un livre majeur de Pierre Bourdieu de 1966, qui y écrivait que “la culture n’est pas un privilège de nature […] et qu’il suffirait que tous possèdent les moyens d’en prendre possession pour qu’elle appartienne à tous”. L’Amour de l’art consacre ainsi la volonté de la galerie Perrotin d’exister sur les réseaux sociaux, par-delà les murs de ses nombreux white cubes à travers le monde. Deux vidéastes salariés de la galerie documentent déjà l’actualité des artistes exposé·es dans toutes les galeries de Paris, New York, Los Angeles, Shanghai, Hong Kong, Tokyo et Séoul. Le comédien Jonathan Lambert réalisa aussi il y a deux ans une websérie en dix épisodes remarquée pour sa loufoquerie et son attention précise à l’art contemporain (5’17).  

Prolongeant cette présence numérique afin d’élargir le cercle des visiteur·ses de la galerie, ces entretiens, menés par sa directrice de la communication et du développement Vanessa Clairet Stern, visent à transmettre l’amour de l’art à des auditeur·rices qui, écoutant les confessions intimes d’artistes, découvrent aussi la manière dont un travail plastique se construit, et à partir de quelle scène primitive il prend forme.

Généalogie d’un geste artistique

L’origine du monde, pour un·e artiste, c’est une vision, une découverte, une rencontre. À partir de quoi tout s’ouvre et s’éclaircit. Être artiste, c’est toujours avoir été admirateur·rice d’un·e artiste qui vous précède et vous autorise secrètement à suivre ses traces. Et même en s’en écartant lorsqu’on invente son propre langage, on garde en soi un geste, une image, une pose, une démarche d’une figure inspirante.  

C’est en découvrant ainsi une performance de Joseph Beuys lors de la Documenta 7 de Kassel que le jeune Johan Creten fut révélé à l’idée de la magie dans l’art. Déjà animé par l’envie d’être artiste dès son plus jeune âge en Belgique, Creten se souvient ici de la manière dont l’art l’a sauvé et combien la puissance conceptuelle de Beuys a “formé sa pensée d’artiste” et nourri son propre monde, poétique, lyrique, mystérieux.

“Ce que j’aime, c’est exposer des gens aux choses plutôt que des choses aux gens” Xavier Veilhan

De son côté, Xavier Veilhan, qui a le même âge que Creten, se souvient de son émotion devant l’œuvre Assembly à la Biennale de Venise de 2019, réalisée par Angelica Mesiti, artiste qui combine la vidéo avec la performance et l’installation pour créer des environnements immersifs. Il fut frappé par l’œuvre de l’artiste australienne d’origine italienne en ayant le sentiment de partager avec elle un certain rapport au public, placé au cœur d’un dispositif. “Ce que j’aime, c’est exposer des gens aux choses plutôt que des choses aux gens”, confie Veilhan, artiste à la fois pop et expérimental. Pour lui, un·e artiste est comme un·e laborantin·e : une manière de définir son geste raccordé à celui de Mesiti.

Persistance de l’image

On retrouve d’une façon différente cette sensation d’une émotion active chez les artistes Elmgreen & Dragset, fascinés par le peintre danois de la fin du XIXe siècle Vilhelm Hammershøi. Le duo dano-norvégien basé à Berlin, exposé jusqu’au 1er avril au Centre Pompidou-Metz, dit avoir été marqué par les intérieurs mélancoliques du maître danois, dans lesquels se reflètent les atmosphères de leurs propres créations d’espaces, évoquant des paysages d’aujourd’hui où flottent l’ennui, la solitude et la mécanisation de l’existence.

Autre grand peintre salué dans la série : David Hockney, que Jean-Philippe Delhomme admire pour sa “liberté contagieuse”, sa “fantaisie” et sa capacité à “rendre la peinture aussi vivante”. Après avoir été sensibilisé à l’art contemporain très jeune devant des compressions de César, Delhomme reste fasciné par la peinture d’Hockney, qu’il découvrit durant ses études aux Arts Décoratifs, à un moment où la peinture était un peu en retrait. 

Si beaucoup d’artistes font ainsi référence à des figures illustres de l’histoire de la peinture (voir Christiane Pooley évoquant, elle, les cathédrales de Rouen de Claude Monet ou Claire Tabouret revenant sur le peintre italien Giorgio Morandi), d’autres se rattachent au cinéma, comme Laurent Grasso, qui évoque les films d’Andreï Tarkovski qu’il découvrit dans les années 1980 (Stalker, Solaris, Nostalghia…). Avouant que la lenteur de ses plans et la spiritualité de ses récits lui ont donné envie d’être artiste, Grasso rappelle combien les arts plastiques se nourrissent aussi, et très souvent, de formes artistiques voisines.

La jeune peintre et sculptrice Mathilde Denize confie ici son admiration pour Jonas Mekas, le réalisateur de Walden, chez qui elle perçoit la grâce d’un art poétique de la présence au monde. Reconnaissant qu’elle ne distingue pas sa vie personnelle de sa vie dans l’atelier, Mathilde Denize perçoit dans Mekas le modèle de l’artiste total, au plus près de ce qui vibre et surgit au quotidien. Pour lui, et pour elle, l’art consiste à tout saisir, à chaque instant, sans s’imposer de règle fixe, en laissant venir les choses et les gens à soi, dans une attention sensible à ce qui vous entoure.

L’amour de l’art, ce serait ainsi l’amour de la vie, une façon – sinon de “rendre la vie plus intéressante que l’art” (comme le suggérait Robert Filliou) – de faire de la parole sur l’art une matière aussi lumineuse que l’art lui-même. Car il n’y a pas d’amour de l’art sans des paroles qui, activant des souvenirs, éclairent ses secrets. 

L’Amour de l’art est un podcast de la galerie Perrotin. Produit par Vanessa Clairet Stern pour Perrotin, design sonore Sébastien Lascoux
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Disponible sur l’ensemble des plateformes d’écoute  

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