« Chanter, c’est l’art de bien gueuler » : j’ai pris un cours de chant atypique chez un ancien ténor d’opéra

C’est à Benayes, à la campagne corrézienne, en plein milieu de nulle part, que j’ai rencontré un artiste lyrique, ancien ténor d’opéra de Marseille, de Montpellier et de Toulon.

Une méthode basée sur l’oralité Installé en Corrèze depuis 2022, l’ancien artiste lyrique a déjà créé un atelier de chant à Limoges, alors que celui de Brive devrait être mis en place dans les semaines à venir.

Arrivé du Var où, depuis plus de 20 ans, il animait de nombreuses activités musicales, Laurent Carlier a déjà créé un atelier de chant à Limoges, alors que celui de Brive devrait être mis en place dans les semaines à venir. Avec une méthode d’apprentissage, originale et novatrice, basée sur l’oralité, la mémoire auditive (il n’y a pas de partition) et l’imprégnation qui s’adresse à tous, même à ceux qui chantent faux.
Pour rendre compte de sa manière de travailler, il me semblait que le mieux c’était de la tester personnellement, pendant un cours. J’aime le chant, sans savoir déchiffrer une partition. Cela ne m’a pas empêché, dans le passé, de faire partie de deux chorales et d’un ensemble vocal.

Pour les chanteurs de salle de bain   

« Mon public, ce sont des personnes qui ne fréquentent pas les chorales, précise mon professeur. Tous ces gens qui aiment chanter dans leur salle de bains ou leur voiture, même ceux qui chantent faux. S’ils sont “incompétents” dans le domaine du chant, ça se travaille. Rapidement, ils vont sentir qu’ils progressent, pour terminer en polyphonies quatre voix dans toutes les langues. Dans le Var, je le faisais avec 180 choristes, » résume-t-il.
En échauffement vocal, on commence par des vocalises, notamment la bouche fermée. Elles permettent de contrôler la régularité et la qualité de l’émission du son. Je comprends tout de suite qu’il ne faut jamais comparer ce qui est incomparable. Alors que chez moi, le son est étranglé, perdu dans la gorge, chez Laurent Carlier, il est puissant, cristallin, porteur d’une vibration intense.

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« Vous avez déjà chanté dans le pupitre ténor, me lance-t-il. Votre voix n’a pas de défauts. Il faudrait travailler sur l’optimisation et la maîtrise du geste vocal.» Pour ce travail, la méthode de Laurent Carlier repose sur trois piliers : j’écoute, je mémorise et je restitue.

Chanter avec ses tripes… et son ventre Et pour chanter avec ses tripes, il faut engager son ventre plutôt que sa poitrine et sa gorge. Photo : Fabrice Combe

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Le chant, c’est une colonne d’air dans un corps ouvert. Et pour chanter avec ses tripes, il faut engager son ventre plutôt que sa poitrine et sa gorge.
Laurent Carlier me fait mémoriser, par petits morceaux, deux phrases d’un célèbre air d’Haendel, « Ombra mai fu ». Cela me semble bien compliqué. Ma voix n’a peut-être pas de défauts, mais, sur le moment, je me dis que là, à m’écouter, on est à des milliers de kilomètres de la célèbre déclaration : « Quand j’entends ta voix, je suis fou de toi ». C’est tout le contraire. L’attaque de la mélodie est à six temps, il faut que la voix tienne, résonne. Mes premières tentatives sont lamentables.  Laurent Carlier chante avec moi, me guide, puis, me laisse me débrouiller seul. A un moment, quelque chose se débloque, ma voix sort. Je ne serai jamais Pavarotti, mais, je retrouve le plaisir de chanter. Comme le résume si bien Laurent Carlier : « Chanter, c’est l’art de bien gueuler. »

Dragan Perovic