PORTRAIT. Adahy, artiste non-binaire originaire de Lille et « engagé·e pour le vivant »
Le 13 juillet 2023, Adahy a remplacé la chanteuse Izïa lors du concert organisé pour la fête nationale à Marcq-en-Baroeul. Du haut de ses 26 ans, cet·te artiste non-binaire originaire de Lille compose des chansons engagées pour l’environnement et les minorités, sur fond d’électro entêtant.
Comme dans un clip à l’américaine, Adahy arrive en pétaradant sur sa moto grise. Lunettes de soleil sur le nez. Foulard vintage noué autour du cou, style années 50. Coupe mulet noire, qui laisse entrevoir les quelques piercings qui parsèment ses oreilles. À un pot de gomina près, Adahy semble sortir d’une adaptation moderne de Grease, dans laquelle John Travolta aurait fusionné avec l’ensemble de la scène pop électro française… Même si ael* préfère définir sa musique comme « une biopop sensible et vénère. »
« C’est plus précis pour se retrouver dans ce style musical tellement polymorphe. » L’artiste précise fièrement, avant de replonger dans son café noir, par acte de pudeur. Une dualité, entre férocité et tendresse, dont la·e Lillois·e pure souche s’imprègne pour créer des textes sensibles et liés au vivant, « autant sous sa forme écologique que sous sa forme sociale. »
« Je parle beaucoup d’injustice, de minorités et d’identité de genre. » Le côté « bio » d’une « pop » parfois électro, parfois rock. En tout cas en perpétuel changement. Car, comme ce genre « polymorphe », Adahy est un.e artiste qui se veut protéiforme. « Je n’ai pas de style fixe, demain je me vois très bien faire un virage musical total, et expérimenter de la funk ou de la soul. »
Avec l’aisance que l’on peut espérer d’un·e artiste qui a remplacé Izia le 13 juillet à Marcq-en-Baroeul, Adahy laisse sa mémoire s’écouler sur la table et dans sa tasse. « J’ai commencé à écrire mes chansons vers 8-10 ans, pour rigoler. Ça parlait surtout de dessins animés », ael rigole d’un rire aussi franc que son regard noisette. « Vers 16 ans c’est devenu plus sérieux. Certains textes sont mêmes sortis il y a deux ans sur 1°C, sur mon premier EP (chez le label BBB).«
Maintenant, Adahy a 26 ans, un master d’environnement et aménagement du territoire en poche, et une carrière musicale plutôt bien engagée. La·e jeune artiste hypersensible s’est laissé·e influencer par la mélancolie de Radiohead, l’énergie des « Red Hot » ou encore les textes révoltés de Muse. Avant de réellement entamer sa carrière musicale en 2019, avec son premier titre Plaisir, rapidement suivi de quatre autres singles… Parfois chantés en anglais, mais de plus en plus tournés vers les sonorités françaises. « Au départ, j’avais du mal à écrire en français car mon premier public parlait cette langue, ce qui voulait dire qu’il comprendrait tout ce que je raconte. Donc je me suis un peu caché·e derrière l’anglais. »
Timidité ou modestie ? Ael même ne sait pas. Par contre un syndrome de l’imposteur·e, « ça c’est sûr », de l’écoanxiété, « développée très jeune », et des voyages aux États-Unis et au Pérou qui ont armé sa plume militante. « J’ai compris que pleurer et crier, ça ne menait à rien. Alors j’ai commencé à écrire et à composer. » L’action, ça aussi Adahy connaît. Pendant plusieurs années, cet·te ancien·ne membre d’Exctinction Rebellion a contribué à différents actes militants, d’abord sur les réseaux sociaux en partageant des pétitions, puis directement sur le terrain.
Les yeux pétillants et redressé·e sur sa chaise, ael se remémore son passage à Bure, dans la Meuse, pour lutter contre le projet CIGEO, « un projet d’enfouissement de déchets nucléaires qui consistait à supprimer 17 hectares de forêt. » « Je venais d’avoir 18 ans. » Un souvenir encore vif que ce·tte fan absolu·e de Jamiroquai peine à revivre ailleurs, faute de temps. « Heureusement, mon travail me permet aussi de lutter : l’engagement peut s’exprimer d’innombrables façons. »
« J’ai compris que pleurer et crier, ça ne menait à rien. Alors j’ai commencé à écrire et composer. »
Car Adahy mène une double vie : artiste la nuit, quand vient le jour, ael se change en chargé de mission de mobilité durable, dans une mairie de la métropole lilloise. « En attendant de devenir une star », plaisante-t-ael, en jouant avec sa tasse.
Pourtant, la scène, Adahy commence à la connaître. Parti·e donner des concerts (ou des dj sets) dans des régions voisines, à Poitiers, Paris ou Montreuil par exemple, ael a également foulé deux scènes emblématiques de la région… À la Condition publique de Roubaix, en novembre 2022, et au Mainsquare festival d’Arras, en tant que dj cette fois. Bientôt les planches du Grand Mix de Tourcoing, où l’artiste se produira le 1er décembre 2024, s’ajouteront à la liste.
« L’émulation n’est pas la même selon que l’on joue dans des lieux petits ou grands, face à un certain type de public ou d’ambiance… Ça permet d’expérimenter. » Par contre, pas de place pour improviser. Lors de ses concerts, Adahy prévoit bien à l’avance le voyage sonore qu’ael compte faire vivre à son public. « Je choisis là où je veux amener les gens. Je sais où je commence, où je finis et par quoi ils vont passer. » Et en général, niveau émotions, ael ne manque jamais son coup : « Pour une fois, l’hypersensibilité et l’empathie ça aide. »
Quand on demande à ce·tte passionné de sports extrêmes de définir son processus de création, ael marque un temps de pause. Fixe sa tasse de café désormais vide. Et s’élance : « En fait, pour moi, le trio parfait, c’est quand tu as une basse qui groove, une voix avec plein d’émotions qui peut créer une tornade dans la salle, et des synthés électro, un peu psychédéliques. » Une recette magique à savourer dans son prochain EP, en cours de mijotage…
Prochaines dates d’Adahy :
- Festival Petit Wood, Sémeries le 25 août 2023
- Jol’ fest, Jolimetz le 22 septembre 2023
- TBA, Lille le 21 septembre 2023
- L’Alimentation Générale, Paris le 23 septembre 2023
- Le Grand Mix, Tourcoing le 1er décembre 2024
*Ael est un pronom neutre, utilisé par les personnes non-binaire notamment, qui ne se retrouvent pas dans le genre féminin ni masculin. Afin de respecter l’identité de genre de l’artiste interviewé·e, la rédaction de France 3 a décidé d’utiliser le point médian.
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