, La valeur de la mode sous toutes ses coutures

La valeur de la mode sous toutes ses coutures

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La « valeur de la mode » est aujourd’hui sur toutes les lèvres. Mais que recouvre précisément cette expression, qui constituait le thème de la sixième édition du Forum de la mode, dont les débats sont accessibles ici en vidéo. La valeur de la mode, c’est d’abord son poids économique. En 2022, l’industrie du luxe et de la mode représente un chiffre d’affaires de 154 milliards d’euros. « Le mode est un poids lourd de l’activité économique françaisesouligne Xavier Romatet, directeur général de l’Institut Français de la Mode. La filière représente plus que l’automobile et l’aéronautique réunis ».

C’est aussi, selon Yann Rivoallan, président de la Fédération Française du Prêt-à-Porter féminin, « 500 millions de vêtements en bon état exportés chaque année en Afrique », qui ne fait qu’aggraver le bilan carbone de la filière. Selon Pascal Morand, président exécutif de la Fédération de la haute couture et de la mode, cet impact souligne « la nécessité de disposer d’indicateurs précis pour travailler sur la performance environnementale ».

La valeur de la mode, c’est enfin une notion tout sauf quantifiable, qui touche à l’imaginaire et à la construction de sa propre identité. « Le vêtement prend alors une dimension symbolique qui dépasse sa confection car il est porté par des gens qui revendiquent ce qu’ils sont », assure Mélody Thomas, cheffe de la rubrique mode du magazine Marie Claire.

Comment toutes ces dimensions cohabitent-elles pour constituer la valeur de la mode ? C’est ce que nous avons demandé à Saveria Mendella, l’une des intervenantes du Forum de la mode, journaliste à Madame Figaro, Harper’s BazarFrance, GQ France et Magazine antidote. Entretien.

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Le mot « valeur » était omniprésent lors de cette édition du Forum de la mode. Quelles réflexions cela vous inspire-t-il ?

La valeur, dès qu’il est question du mode, a plusieurs formes. Il y a la valeur individuelle – le rapport que chacun entretient à la mode – la valeur financière, l’imaginaire collectif… De ce point de vue, les trois tables rondes qui se sont succédées au Forum de la mode, ont couvert l’étendue du spectre à travers les angles de la valeur immatérielle, de la valeur matérielle et de la revalorisation.

Pendant le Forum, vous avez dit que les marques sont aujourd’hui «  beaucoup plus que des productrices de vêtements ». Qu’entendez-vous par là ?

L’exemple récent le plus emblématique est certainement celui de Gucci. L’an dernier, face à la stupeur provoquée par l’annulation par la Cour suprême américaine de l’arrêt v. Wade qui garantissait depuis 1973 le droit des américaines à avorter sur tout le territoire des États-Unis, la maison italienne s’ est engagée en considérant qu’elle faciliterait le déplacement de ses employées américaines souhaitant recourir à une IVG.

D’une façon générale, les marques ont envie d’être des univers, ce qui en vérité n’est que le prolongement à l’échelle globale de ce qu’elles sont à l’échelle individuelle. En ce sens, la création en avril dernier de la société « Saint Laurent Productions » est le souhait le plus emblématique de la marque de luxe d’entrer dans le grand bain de la production cinématographique.

Les marques sont aujourd’hui très présentes sur les réseaux sociaux et dans la production de contenus éditoriaux. Cela ne fragilise-t-il pas la presse ?

Les marques qui entreprennent de produire de tels contenus se produisent assez vite compte qu’elles n’ont aucun intérêt à supplanter les médias. L’écosystème de la mode ne se porte jamais aussi bien que lorsque chacun de ses acteurs reste dans son rôle. L’ancien directeur artistique de Bottega Veneta avait par exemple lancé un magazine, une initiative qui ne va pas être poursuivie par son successeur.

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La dimension économique reste encore selon vous « la face cachée » du secteur de la mode. Les entreprises aujourd’hui ne jouent-elles pas, de plus en plus, la carte de la transparence ?

C’est vrai. La marque Chloé par exemple, qui est la première maison de luxe européenne à avoir obtenu la certification B Corp, l’une des plus exigeantes s’agissant de l’impact social et environnemental des marques, a mis en place des blockchain qui permettent aux clients de tracer l’origine des produits. Cependant, cela ne concerne que des petites pièces, des capsules d’une quinzaine de vêtements et non la totalité d’une collection. Certaines marques, comme la Maison Cléo, proposent aussi de remonter tout le fil de leur processus créatif.

Il n’en demeure pas moins qu’on reste dans un flou global. Au moment du drame du Rana Plaza au Bangladesh en 2013, ce bâtiment dont l’effondrement a réduit la mort de plus de 1100 ouvriers travaillant pour les plus grandes marques occidentales, certaines marques, comme H&M et Zara, ont sincèrement cru pendant plusieurs jours ne pas être impliqué. Cela signifie qu’entre les dirigeants de ces marques et le Rana Plaza à l’autre bout du monde, il y avait tellement d’étapes, de négociants et de sous-traitants, que personne n’était capable de remonter le fil de son produit.

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Quels sont les acteurs qui, selon vous, participent aujourd’hui le plus à la revalorisation de la mode ? Les entrepreneurs, les directeurs artistiques, une jeune génération qui ne transige pas sur l’éthique ?

Je soutiens à 100% les jeunes créateurs et entrepreneurs. Si leurs motivations éthiques sont incontestables, il ne faut pas oublier qu’elles vont de pair avec des raisons pratiques et économiques. Cela reste toujours moins cher d’acheter un tissu avec un motif déjà existant plutôt que de payer des gens qui vont développer un motif original. L’écologie vient souvent, de fait, avec des avantages économiques.

C’est aussi pour cette raison que les jeunes créateurs s’intéressent au recyclage. La revalorisation, selon moi, devrait aussi passer par une jeune génération. Mais pour le moment, à travers ce que j’observe sur les réseaux sociaux, elle n’a pas vraiment conscience de l’utilité d’attacher une valeur au long cours à chacun des produits. En matière de revalorisation, je pense à l’engagement de marques de luxe – Brunello Cucinelli et Loro Piana notamment – ​​qui, dans la discrétion, font un travail essentiel.

Le consommateur n’est-il pas pris entre deux feux ? D’un côté, il revendique d’acheter du « Made in France », de l’autre, on lui propose des T-shirts à 5 euros…

C’est une question compliquée. Qui a le budget pour ne vivre que de luxe ? Nous sommes en permanence soumis à des images et des contenus qui créent la confusion entre envie et besoin. C’est un phénomène que l’on observe depuis l’explosion du prêt-à-porter dans les années 1970. Est-ce qu’il faut culpabiliser le consommateur ? Oui, sans doute, aura-je tendance à dire. Cette nouveauté qu’on nous vend à l’environnement n’est-elle pas avant tout une impression de consommer de la nouveauté ?

Le Forum de la mode est soutenu par le ministère de la Culture et le ministère de l’Économie et des Finances, le Forum de la Mode est organisé dans le cadre du Comité stratégique de la filière Mode et Luxe en collaboration avec la Fédération de la Haute Couture et de la Mode et la Fédération Française du prêt-à-porter féminin.

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